La vision novatrice de Charlotte Perriand

"Pour moi, le sujet c'est l'Homme, ce n'est pas l'objet".

La genèse de son travail

On pourrait croire que l’histoire de Charlotte Perriand était toute tracée. Née en 1903 à Paris, elle est la fille de parents artisans pour les grandes maisons de couture. Travaillant de leurs mains, ses parents lui inspirent sa passion pour le dessin, c’est pourquoi quelques années plus tard, en 1920, elle entre à l’école des unions centrale des arts décoratifs. 5 ans plus tard, elle sort diplômée. Petit à petit, elle s’intéresse au monde de l’art déco et du design et présente un premier projet au salon des artistes décorateurs à Paris en 1926 : le “coin salon” composé d’un fauteuil, d’un guéridon ainsi que d’une bibliothèque. Cette création marquera ses premiers pas en tant que designer.

1927 sera à son tour une année marquante pour la jeune femme, puisque c’est à ce moment qu’elle crée son “Bar sous le toit”, acclamé par la critique. Elle décide alors d’aller plus loin dans son travail et rencontre Le Corbusier pour lui présenter ses futurs projets avant-gardistes. Séduit par son ingéniosité, il lui propose de rejoindre l’atelier qu’il partage avec son cousin Pierre Jeanneret, architecte et designer suisse. Ces deux confrères ont un projet en cours : le chantier de la Villa Savoye près de Paris. Ils chargent alors Charlotte de concevoir le mobilier.

En parallèle, Charlotte Perriand développe sa collection de mobilier très innovant pour son époque. L’une de ses pièces les plus iconiques reste la chaise longue LC4, conçue en collaboration avec le Corbusier et Jeanneret. Ce fauteuil très confortable s’adapte parfaitement au corps pour apporter tout le confort nécessaire. Pour sa forme, Charlotte s’inspire du mobilier médical, où le patient pouvait s’allonger. Elle commence à fabriquer ses meubles en série dans le but de les rendre accessibles au grand public. Malheureusement, aucun industriel n’est prêt à la suivre car ce pari est très risqué pour l’époque.

En 1929, elle fonde l’UAM, l’Union des artistes modernes aux côtés de personnalité telle que Sonia Delaunay, Eileen Gray, Robert Mallet-Stevens… L’objectif de cette union est une fois de plus de démocratiser la modernité du design. De nombreux projets aussi innovants les uns que les autres vont rythmer les années qui suivent : “La cellule de 14m² par habitant (1931), “La maison au bord de l’eau” (1934), “La maison du Jeune Homme” (1935).

Malgré leur grande amitié et leurs projets communs, Le Corbusier et Charlotte Perriand mettent une pause à leur collaboration en 1937.

Un voyage inspirant le reste de sa carrière

Elle voyage énormément, entre Tokyo, Kyoto ou encore les petits villages de campagnes, qui contribueront à inspirer son travail. Charlotte Perriand réalise différentes expositions, conférences, aux côtés de sa traductrice Madame Mikami et de son assistant, Sori Yanagi, designer Japonais (cf article). Ce voyage est l’occasion pour elle de tester de nouvelles choses, notamment recréer ses pièces iconiques avec des matériaux typiques du japon : le bambou et le bois

Quelques jours avant l’arrivée de l’occupation Allemande en France, Charlotte Perriand prend le départ pour le Japon. Entre 1940 et 1942, elle travaillera suite à la demande du Ministère du Commerce et de l’Industrie. Sa mission est la suivante : aider l’artisanat et l’industrie japonaise à se moderniser. Elle est profondément touchée par l’art de vie japonais, et leur amour pour le vide et la simplicité. « J’ai découvert au Japon, 100 % traditionnel à l’époque, le vide, le pouvoir du vide, la religion du vide, au fond, qui n’est pas le néant. Pour eux, c’est la possibilité de se mouvoir. Le vide contient tout », confiait-elle durant l’émission Mémoires du siècle en 1997, sur France Culture.

De nouveaux projets avec Le Corbusier

En 1946, suite à un second voyage en Indochine, Charlotte Perriand rentre en France et découvre les paysages ravagés par la Guerre. Mais le travail en France reprend, tout comme sa collaboration avec le Corbusier. Il la recontacte pour l’aider sur son projet Cité Radieuse à Marseille. Elle sera encore une fois en charge du mobilier, dans l’objectif de sortir la femme de la cuisine. Charlotte va donc créer une cuisiner ouverte sur le séjour des unités d’habitations du Corbusier.

Quelques années plus tard, les deux architectes sont appelés pour aménager les logements étudiants de la Cité Internationale Universitaire de Paris. C’est dans ce cadre que Charlotte Perriand design les bibliothèques Mexique & Tunisie. Ce sont des meubles en kits à monter soi-même et totalement modulables, qui apporte des petites touches de couleur à la pièce.

Lettre d'amour à la montagne

Passionnée de la montagne depuis sa plus tendre enfance, Charlotte Perriand va accorder ses dernières années de carrière à réaliser la station des Arcs en Savoie. Une aventure de 20 ans, où elle travaille sur l’architecture, l’urbanisme et la décoration intérieure de ce lieu qui lui est chère. Son ambition ainsi que celle de ses collaborateurs est de fondre ces bâtiments dans le décor montagneux, pour ne pas dévaloriser le paysage. Ils vont donc intégrer les constructions dans la pente, pour qu’ils ne fassent qu’un avec la montagne. Le contexte économique la motive à créer des blocs préfabriqués pour la cuisine et la salle de bain, avec du mobilier standardisé pour le reste du logement.

Charlotte Perriand décède en 1999 à l’âge de 96 ans, laissant derrière elle un héritage architectural révolutionnaire.